Observations de l’entreprise sur un ordre de service : la fin du mémoire en réclamation ?
Selon l’article 50.1.1 du CCAG Travaux de 2009, une réserve formulée par l’entreprise à un ordre de service (OS) donne naissance à un différend : « Si un différend survient entre le titulaire et le maître d’œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme […] ».
Par conséquent, pour les marchés relevant de ce CCAG et ne dérogeant pas à l’article susvisé, toute réserve à un OS doit être accompagnée d’un mémoire en réclamation établi par le titulaire, dans lequel il expose ses griefs (motifs du différend). Ce mémoire est transmis au maître d’ouvrage avec copie au maître d’œuvre.
L’article 55.1 du CCAG Travaux 2021 impose également à l’entreprise de transmettre un mémoire en réclamation dès lors qu’un différend l’oppose au maître d’œuvre ou au maître d’ouvrage, lesquels se partagent désormais la compétence pour émettre des OS (article 2 CCAG Travaux).
En revanche, la version 2021 du CCAG Travaux ne précise plus expressément qu’une observation sur un OS (terme qui se substitue à celui de « réserve ») est qualifiée de différend.
Aussi, lorsqu’une entreprise transmet des observations en réponse à un OS – notamment, lorsqu’elle le conteste – convient-il de considérer que celles-ci font apparaître un différend et que, partant, un mémoire en réclamation doit accompagner lesdites observations ?
Face à cette interrogation, on peut déplorer que, contrairement à ce que prévoient les CCAG PI, TIC, FCS et MI, le nouveau CCAG Travaux ne définisse pas la notion de différend (ni davantage le CCAG MOE depuis la modification opérée par l’article 6 de l’arrêté du 30 septembre 2021 modifiant les cahiers des clauses administratives générales des marchés publics).
Selon les CCAG qui abordent cette notion, l’apparition d’un différend résulte :
– soit d’une prise de position par l’acheteur (écrite, explicite et non équivoque) et faisant apparaître le désaccord avec l’entreprise ;
– soit du silence gardé par l’acheteur pendant au moins 15 jours à la suite d’une mise en demeure adressée par l’entreprise ;
– soit de l’absence de notification du décompte de résiliation dans le délai mentionné par les CCAG.
Bien que cette définition d’un différend ne soit pas opposable aux parties dans le cadre de l’exécution des marchés relevant du CCAG Travaux de 2021 (à moins qu’elle soit reprise par les CCAP), il nous semble possible de s’en inspirer pour tenter de répondre à la question.
Dès lors, la simple formulation d’observations par l’entreprise ne paraît pas suffire à caractériser un différend avec l’auteur de l’OS en cause (maître d’ouvrage ou maître d’œuvre). La production d’un mémoire en réclamation n’est donc pas exigée de l’entreprise à ce stade.
Les observations ne sont que de simples objections de l’entreprise à la décision prise par OS. Elles traduisent sa désapprobation mais nullement la position que l’auteur de l’OS adopte en conséquence. Ce dernier pourrait en effet notifier un OS modificatif si les observations de l’entreprise le convainquaient d’amender en tout ou partie sa décision initiale. Le désaccord serait en revanche établi en cas de réponse défavorable du maître d’ouvrage ou du maître d’œuvre à ces observations. L’entreprise serait alors tenue de transmettre un mémoire en réclamation, étant précisé que le CCAG Travaux 2021 ne fixe aucun délai à ce titre.
Par ailleurs, si les observations transmises par l’entreprise invitaient également l’auteur de l’OS à prendre parti sur les suites qu’il entend réserver à celles-ci, pourrait-on alors considérer qu’il s’agit là d’une mise en demeure, et qu’un différend apparaîtrait à défaut de réponse à l’issue d’un délai de 15 jours ?
Il est permis d’en douter. En effet, une mise en demeure est une sommation adressée par une partie à son cocontractant, de respecter une obligation que ce dernier n’a pas exécutée à son terme. Or, le CCAG Travaux n’impose pas au maître d’ouvrage ni davantage au maître d’œuvre de répondre aux observations que lui adresse l’entreprise.
Il n’est donc pas acquis que cette simple invitation à répondre, mentionnée d’emblée dans les observations de l’entreprise, puisse être regardée comme une mise en demeure émanant de celle-ci. Par conséquent, le défaut de réponse de l’auteur de l’OS dans les 15 jours qui suivent la réception des observations n’emporterait pas obligation de transmettre un mémoire en réclamation. Il en irait autrement en cas de réponse négative.
Arnaud LATRECHE – 10/12/2021