Un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 10 novembre 2021 (req. n° 19DA00152) illustre la vigilance qu’il convient d’apporter à la rédaction d’un marché de maîtrise d’oeuvre lorsque, en cas d’attribution à des cotraitants, il est souhaité que leur groupement soit conjoint.
Rappelons qu’un groupement est conjoint lorsque chaque cotraitant s’engage à exécuter les prestations qui lui sont expressément attribuées dans le marché (article R.2142-20-1° du CCP). Il n’est alors responsable que de ces seules prestations. Le groupement est solidaire lorsque chaque membre du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché (R.2142-20-2° du CCP).
Pour reconnaître la forme conjointe du groupement (et en tirer les conséquences en terme de responsabilité), il ne suffit pas que les clauses du marché conclu avec le maître d’ouvrage la proclament. Encore convient-il que le contrat définisse la nature des prestations dévolues à chaque cotraitant.
C’est que rappelle l’arrêt susvisé dans une affaire où la mise en jeu de la responsabilité décennale de l’un des membres d’un groupement de maîtrise d’œuvre, qui n’en était pas le mandataire, était en jeu. L’acte d’engagement stipulait certes que le groupement était conjoint. Toutefois, l’annexe à l’engagement se contentait de répartir le montant des honoraires entre les cotraitants, sans pour autant préciser la nature des prestations de maîtrise d’œuvre auxquelles ces montants correspondaient. Une expertise a démontré que les désordres affectant certains éléments de l’ouvrage étaient imputables, pour partie, à un défaut de conception de ceux-ci. Or, aucun document contractuel conclu avec le maître d’ouvrage n’excluait le cotraitant de la conception des éléments défectueux. Par conséquent, en sa qualité de membre de l’équipe de maîtrise d’œuvre, sa responsabilité décennale pouvait être engagée au titre de sa participation à la conception de l’intégralité de l’ouvrage objet des désordres.
Afin que les membres d’un groupement conjoint puissent échapper à cette conséquence, il semble donc nécessaire que le marché qu’ils concluent avec le maître d’ouvrage comporte la répartition entre chaque cotraitant :
– du montant du forfait de rémunération ;
– des missions des maîtrises d’œuvre effectuées par chacun (APS, APD, PRO, ACT, DET, VISA ou EXE, AOR) ;
– des parties de l’ouvrage sur lesquelles portent ces missions (ensemble de l’ouvrage ou seulement certains éléments de celui-ci).
L’AAP vous propose un modèle de répartition des honoraires et des missions pouvant être annexé à l’acte d’engagement du marché de maîtrise d’oeuvre.
Arnaud LATRECHE – 26 janvier 2022