Important
Les réponses formulées par les experts de l'Association des Acheteurs Publics dans le cadre des "questions posées aux experts" sont données à titre d'informations et ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité de l'association.
La question
Bonjour,
J’ai une difficulté qui met en relation une indemnité de dommage ouvrage et le code de la commande publique. Dans le cadre de travaux sur une école, la dommage ouvrage a dû être sollicitée suite à des très gros problèmes structurels sur le bâtiment. Une indemnité globale va être versée à la Ville par l’assureur. Cette indemnité dépasse largement les 100 000 euros HT. Nous nous interrogeons sur la nécessité ou pas de passer un marché public de reprise des travaux (un mode de réparation a priori efficace a été déterminé lors des expertises).
Est-il possible de passer un marché public sans mise en concurrence ni publicité conformément à l’article R. 2122-3 du CCP en arguant de raisons techniques parmi lesquelles notamment le fait qu’attribuer un marché public à d’autres entités que celles ayant réalisé les prestations initiales aurait pour conséquence de stratifier des régimes de responsabilité décennale entre différents opérateurs économiques pour un seul ouvrage ; qu’il pourrait également y avoir des incidences au niveau de la TVA (en effet, le Bulletin Officiel de la Direction Générale des Impôts (n° 12 du 20 janvier 1975) permet au constructeur responsable qui effectue de nouveaux travaux, suite aux malfaçons qu’il a commises, de ne pas être redevable de la TVA).
Dans les faits, il est exact que d’autres entreprises seraient en capacité de réparer le site. C’est pourquoi nous nous demandons si les raisons techniques invoquées pourraient être suffisantes et si nous ne risquons pas un recours si nous ne relançons pas un marché de reprise des travaux avec publicité et mise en concurrence
Vous remerciant par avance.
La réponse
Vous avez sollicité l’avis de l’Association des Acheteurs Publics sur la possibilité de passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence conformément à l’article R. 2122-3 du CCP en arguant de raisons techniques à la suite de problèmes structurels sur un bâtiment.
Vous invoquez les problèmes qui résulteraient d’une mise en concurrence, notamment en matière des régimes de responsabilité décennale entre différents opérateurs économiques pour un seul ouvrage.
Bien que ce sujet puisse revêtir un enjeu opérationnel réel, il apparait que le régime de responsabilité n’est pas un motif technique suffisant pour passer en marché négocié pour les motifs suivants :
- En général, les motifs pour passer un marché négocié doivent être « extérieurs » aux parties. Ici, c’est une faute de l’entrepreneur qui conduit au motif technique : ce motif n’apparait donc pas extérieur ;
- Dans de nombreux cas, une opération de travaux implique déjà plusieurs entreprises sur un chantier, donc une pluralité de responsabilité qui, sur le principe ne pose pas nécessairement problème dès lors que le périmètre de chacun est clairement défini ;
- Par ailleurs, si la garantie décennale est mise en œuvre, cela implique probablement que la réception a été prononcée depuis plusieurs années. Ainsi, que l’entrepreneur qui réalise les travaux de reprise soit celui qui a réalisé les travaux initiaux ou non, cette nouvelle intervention sera soumise à sa propre garantie décennale dont la durée ne sera pas identique à celle des travaux d’origine. Il y aura donc, dans tous les cas, une partie du bâti qui sera traité distinctement de l’autre, du point de vue de la garantie, que ce soit avec un seul intervenant ou deux.
- Le problème de la responsabilité, en cas de pluralité d’intervenants est souvent lié à la difficulté de circonscrire ce qui relève de la responsabilité de l’un ou de l’autre. Dans le cas où un sinistre a été instruit, le périmètre des dommages et les travaux de reprises à réaliser sont arrêtées par l’expert et vont faire l’objet d’un nouveau cahier des charges. La distinction des périmètres de responsabilité de chaque entreprise est donc plutôt bien tracée (ce qui est souvent plus délicat en cas de substitution d’entreprise en cours de travaux, car des désordres « invisibles » peuvent se révéler après réception globale). Les difficultés de répartition des responsabilités apparaissent donc moindres.
Quant à la TVA, l’incidence apparait neutre, car la collectivité sera indemnisée par son assureur du montant total des travaux à réaliser, TVA incluse. La seule incidence pouvant être relevée, serait l’alourdissement de la sinistralité de la Collectivité du montant de la TVA.