Simplifier la commande publique : et si nous changions de paradigme ?

Depuis plusieurs années, la simplification de la commande publique est un objectif affiché par les pouvoirs publics, les entreprises et les acheteurs. Tous s’accordent sur la nécessité de rendre les marchés publics plus accessibles. Pourtant, malgré une avalanche de réformes successives, le constat reste inchangé : la complexité demeure. Pourquoi ces projets échouent-ils à atteindre leur but ? Et surtout, comment réorienter les efforts pour obtenir des résultats concrets ?

Des réformes bien intentionnées, mais inefficaces

L’approche actuelle repose sur des modifications sectorielles de la réglementation. Mais cette méthode s’avère contre-productive.

1. Des impacts limités : les ajustements concernent souvent des niches spécifiques, laissant intactes les procédures les plus courantes.

2. Une complexité accrue : ajouter des exceptions revient à alourdir la règle, rendant son application plus ardue pour les acheteurs et moins lisible pour les entreprises.

3. Des moyens inégaux : tous les acheteurs ne disposent pas des ressources nécessaires (humaines, technologiques, organisationnelles) pour mettre en œuvre efficacement ces évolutions. Résultat : des disparités dans la mise en œuvre.

4. Des lourdeurs procédurales nouvelles : Les obligations supplémentaires – vérifications, déclarations, reportings – alourdissent le pilotage des achats. Une part de cette lourdeur finit par ruisseler sur les entreprises.

5. Un détournement des priorités : Ces réformes mobilisent les acheteurs sur des tâches administratives au détriment de missions stratégiques, comme la rédaction de documents plus clairs ou l’intégration d’enjeux durables.

Simplifier l’accès à la norme n’est pas simplifier la norme, … ni sa mise en œuvre

En décembre dernier, la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) a affirmé que simplifier, c’est améliorer l’accès à la norme et faciliter sa compréhension. Mais rendre la règle plus accessible rend-elle sa mise en œuvre plus simple ? Rien n’est moins sûr. 

Cette approche sous-entend que la complexité de la commande publique viendrait d’une méconnaissance des règles et non de la règle elle-même ou de sa mise en œuvre concrète.

Certes, il y a des progrès à faire en la matière. Mais cela ne répond pas au vrai problème : la complexité de la commande publique provient avant tout de la lourdeur des procédures, de la disparité des pratiques et des moyens, ainsi que dans l’ajout incessant de nouvelles obligations et contraintes pour les acheteurs.

La Cour des Comptes européenne a récemment souligné l’alourdissement administratif des marchés publics. Si les acheteurs sont constamment sollicités pour intégrer de nouvelles obligations, sans moyens supplémentaires, ne risque-t-on pas une embolie ? Une règle, même bien comprise, reste inefficace si sa mise en œuvre est irréaliste.

Une nouvelle approche pour des résultats concrets

Et si nous changions de paradigme ? Pour rendre la commande publique réellement accessible, il faut s’attaquer à la source du problème : la complexité des procédures mises en œuvre par les acheteurs.

Simplifier la vie des entreprises passe par la simplification de celle des acheteurs. Ce sont eux qui traduisent la réglementation en procédures concrètes. En leur donnant les moyens de travailler dans un cadre plus léger, les entreprises en bénéficieront inéluctablement.

Cela signifie réduire les exceptions (au lieu d’en ajouter), uniformiser les pratiques et certaines règles, supprimer les obligations administratives accessoires et peu efficientes.

Il est temps de repenser notre approche. Plutôt que d’accumuler des réformes sectorielles, focalisons-nous sur les aspects les plus courants et les plus chronophages/complexes des procédures. Une commande publique plus simple pour les acheteurs sera une commande publique plus accessible pour tous.

Changeons de paradigme, et construisons une commande publique réellement inclusive et efficiente.

C’est en tout cas dans cette logique que l’AAP proposera prochainement des mesures de simplification concrète bénéficiant à tous. 

Yannick TISSIER FERRER

Directeur de la commande publique – Ville d’Antony
Membre du conseil d’administration et expert de l’AAP

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